Peut-on aborder en profondeur la question du deuil et son accompagnement sans se questionner sur « le mourir et l’au-delà » ? Peut-on considérer les lieux de croissance humaine voire spirituelle de la personne endeuillée sans considérer ses vis-à-vis avec le deuil, le mourir et leurs horizons communs ? Peut-on visiter les nouveaux contextes de deuil et leurs accompagnements sans les éclairer d’une vision interdisciplinaire ? Est-il vraiment possible d’envisager des transformations institutionnelles et professionnelles de la culture de l’accompagnement des personnes au terme de leur vie terrestre et de leurs proches endeuillés sans conduire une réflexion systémique qui associe théories, pratiques et expériences ?

12 demi-journées
12 séances de 3 heures chacune

-Samedi et dimanche, 1 et 2 octobre 2022 AM et PM (9h00 à 12h00 et 13h00 à 16h00)
-Samedi et dimanche, 22 et 23 octobre 2022 AM et PM (9h00 à 12h00 et 13h00 à 16h00)
-Samedi et dimanche, 12 et 13 novembre 2022 AM et PM (9h00 à 12h00 et 13h00 à 16h00)

Thèmes abordés : Deuil ; mort ; Au-delà et sotériologie ; Processus de deuil ; Travail du deuil ou travail de deuil ; Deuil original ou métaphorique ; Deuils compliqués ; Pathologie et deuils ; typologie des deuils ; Accompagnement des personnes endeuillées ; Personnes âgées et deuil ; Enfants, adolescents et deuil ; Culture et deuil ; Immigration et deuil ; Pandémie et deuil ; Sentiments propres au deuil ; Douleur et blessures liées au deuil ; Pardon et deuil ; Rituels institués et spontanés du deuil ; Rites funéraires et deuil ; Interdisciplinarité et deuil ; Espérance et deuil. 

Jean-Marc Barreau, Ph. D et D.Th.
Titulaire de la chaire Jean-Monbourquette sur le soutien social des personnes endeuillées

Courriel : jean.marc.barreau@umontreal.ca

Première strate
Nous savons qu’au niveau international (Bennani et Bertal 2020) comme au niveau national (Cherba et al. 2019), le soutien social demeure un axe générique de recherche fondamentale s’appliquant à des réalités cruciales et visant le « bien vivre ensemble », réalités qui regardent la mort, le deuil et son accompagnement d’une manière toute particulière. Dès lors, les sciences humaines et sociales abordent la complexité du processus de deuil dans le but de « reconnaître », de « définir », de « retenir », « d’analyser » et « d’appliquer » une polyphonie de paradigmes servant toutes la recherche, l’enseignement, le soutien social des institutions et des personnes les plus vulnérables.

Paradigmes autour des différents modèles de deuils (Abrams 1995; Hanus 2006; Monbourquette et Aspremont 2008; Broca 1997; Maltais et Cherblanc 2020). Paradigmes autour de leur résolution (Monbourquette et Monbourquette 2004; Stroebe et Schut 2010; Sauteraud 2018). Paradigmes autour du rapport de la personne « à soi » (Saucier 2020).

Postures « heuristiques » qui convoquent la sagesse philosophique sur le sujet de la mort et de l’au-delà, mais aussi sur la problématique du deuil comme étant l’un de leur corolaire (Housset 2009). Postures « téléologiques » qui convoquent la théologie séculière dans un dialogue avec la philosophie (Mellana 2018). Posture « interdisciplinaire » qui interpelle l’anthropologie spirituelle et son lien à l’au-delà (Jobin 2017). Tel est l’ordre selon lequel cette première strate du cours sera traitée, offrant dès lors le cadre conceptuel fondamental à partir duquel deux autres strates pourront s’articuler et être développées. 

Deuxième strate
Si la pandémie à la Covid-19  est venue mobiliser les milieux d’intervention liés au deuil d’une manière sans précédent (Dallaporta 2021), plaçant les personnes fragilisées dans des situations d’isolement systémique (J.-M. Barreau et Cara 2020), elle nous porte à considérer le deuil plus que jamais dans son rapport aux multiples contextes à partir desquels son accompagnement s’effectue nécessairement (Ben-Cheikh, Rachédi, et Rousseau 2020).

Se présentant comme le premier contexte à retenir et à analyser (Rolling et Barresi 2021), cette crise sanitaire nous a conduits à en retenir un second, celui du « continent numérique » (J. M. Barreau 2021; V. Lemieux 2004). Par jeu de cause à effet, ils nous invitent aussi à réfléchir à la situation délicate du deuil vécu en situation d’immigration (Chéron-Leboeuf et al. 2016 ; Stoesslé et Rodriguez-Maroun 2018 ; Le Gall, Samson, et Fortin 2021). Dans un autre registre, tout aussi important, il nous a semblé important de traiter du deuil quand celui-ci est vécu aux deux extrémités de la vie, et par les enfants (Romano 2020) et par les ainé.es. Sous un angle plus générique, mais tout aussi essentiel, il convient aussi d’aborder le deuil dans son lien au domicile et à la famille (Zech 2019; Cheucle et Prieto 2006), jusqu’à sa dimension collective (Monbourquette 1994; Maltais et Cherblanc 2020). Par ailleurs, dans un tel cours, nous ne pouvons passer sous silence la réalité du deuil quand il est lié à l’application de l’Aide Médical à Mourir (Ummel 2020; Philippe et Touren-Hamonet 2021).

Ces différents contextes nous conduisent nécessairement à regarder et à analyser deux thèmes essentiels relatifs au deuil. Celui de son accompagnement d’abord et celui, bien évidemment, de la place des rituels dans sa résolution souhaitée (Reboul 2020; Picard 2002; Monbourquette et Monbourquette 2004; R. Lemieux 2018; Bourgeois-Guérin et al. 2020). 

Troisième strate
La troisième partie du cours se démarquera par son souci de proposer une synthèse des deux premières strates du cours conduisant à trois prospectives spécifiques toutes appelées à interagir pour fins didactiques et heuristiques. Pour ce qui est de la synthèse, le cours s’appliquera à mettre en évidence combien les contextes sociaux, culturels, religieux et personnels, redessinent la « culture » du deuil, son accompagnement et sa théorisation. D’un côté, les influences philosophiques et idéologiques concernant la mort et l’au-delà (Laflamme 2020) imprègnent et impactent les notions les plus fondamentales du deuil, de l’autre côté les « lieux » où le deuil s’exprime de manière factuelle voire « métaphorique » (Plaud et Urien 2016) semblent se multiplier sans fin. Dès lors, pour ce qui regarde les prospectives, la première regardera le décalage sémantique et épistémologique qui existe — et qui peut-être se creuse toujours plus — entre d’un côté les institutions (funéraires, hospitalières, religieuses) qui sont traditionnellement engagées dans la résolution voire dans l’accompagnement du deuil et de l’autre côté la manière dont nos sociétés s’engagent à le vivre. La seconde prospective, quant à elle, analysera le rapport délicat mais structurel qui existe entre l’émergence d’une égologie individuelle systémique avec son lot de répercussion ontologiques et éthiques et la réalité complexe du deuil et de son accompagnement. La troisième et dernière prospective cherchera à dessiner un horizon nouveau de prise en compte de la réalité concrète des personnes qui sont endeuillées, à travers certains outils analogues à la médecine (clinique) narrative ou aux communautés compatissantes pour penser et pour imaginer une transformation paradigmatique du deuil qui soit pérenne et performative.